Anne Ramsden | Le temps qu’il faut

14 mars – 20 avril 2019

Vernissage : le jeudi 14 mars 2019, dès 17h30

Anne Ramsden
Le temps qu’il faut, 2014-2019
Installation video, 35 min 35 secs

 

« Avec cette récente installation vidéo filmée dans l’Arboretum Morgan, Anne Ramsden renoue avec son intérêt de longue date pour les musées et les collections[1].

Partie prenante du campus Macdonald de l’Université McGill, situé sur la pointe ouest de l’ile de Montréal, cette réserve écologique urbaine regroupe 17 collections d’arbres et d’arbustes indigènes ou acclimatés, ainsi que différents habitats, des terres agricoles en friche ou toujours en usage, exemplaires de la région montréalaise. Dans la vidéo, Anne Ramsden nous donne à voir le site en une séquence de plans fixes mettant en scène ses collections et leurs caractéristiques respectives au fil des saisons, du printemps à l’automne.

Chacun des plans tournés avec une caméra immobile fixée à un trépied, selon une prise de vue frontale et presque toujours à la même hauteur, reprend des modalités de la présentation muséale isolant les objets du quotidien en vitrine, notamment dans une muséologie traditionnelle. Par ailleurs, Anne Ramsden insiste ici plutôt sur l’ensemble du projet d’arboretum, en tant que système de valeur et de pratique discursive, que sur chacune des espèces placées devant l’objectif. Des détails des séquences, notamment des étiquettes d’identification, une arche de jardin, des bancs, ne cessent de nous rappeler l’aménagement délibéré de ce site naturel comme objet de conservation et de recherche lié au savoir, ainsi que comme lieu de contemplation, de délectation et de loisirs.

À l’opposé, la bande sonore perturbe cette vision idyllique de la Nature avec divers bruits insolites témoignant de l’activité quotidienne aux abords de l’arboretum. En effet, des bruits de trompettes de train, de réacteurs d’avion ou de trafic autoroutier s’ajoutent aux bruissements des feuilles au vent, aux chants d’oiseaux et aux bourdonnements d’insectes plus habituels dans le contexte. L’installation vidéo ouvre ainsi béant l’espace sanctuarisé de l’arboretum et souligne le seuil délimitant l’espace profane de nos activités courantes d’un environnement naturel préservant une «relation originelle» avec le monde. En cela, la proposition esthétique d’Anne Ramsden évite une louange pittoresque des beautés naturelles du site, pour questionner la philosophie et l’éthique sous-jacentes à la conception de l’Arboretum comme parc et comme réserve naturelle, témoignant d’un regard muséologique singulier. Cette représentation historique réduit d’ailleurs la Nature à un objet de contemplation ou un sujet de connaissance, au détriment de la mise en avant d’un patrimoine immatériel holistique, ancré dans une réciprocité et une dépendance mutuelles entre les espèces, végétales, animales et humaines.

Dans le contexte de la crise écologique actuelle, ces petits morceaux de territoires protégés semblent de petites îles de Robinson et de bien maigres bouées de sauvetage pour assurer une Terre habitable à long terme. En ce sens, l’installation de Anne Ramsden inscrit au cœur même de la coupure d’avec le monde naturel qui les fonde, la nécessité d’une éthique de réconciliation avec le vivant, tenant compte des liens de dépendance étroits qui nous lie à lui et ne laissant pas la nature à la merci de notre consommation débridée et gourmande. »

 

Marie Perrault

février 2019

 

 

 

L’artiste remercie Noémie Naud-Dubé pour sa précieuse assistance technique.

 

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[1] Voir à ce sujet Marie Perrault, Anne Ramsden. La collection et le quotidien, Musée régional de Rimouski, 2008 (catalogue bilingue).

 

 

 

En Images
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