The Dog and The Wolf, 2021, acrylique sur toile, 152 x 183 cm; crédit photo : Richard-Max Tremblay

Carol Wainio

Fabulisme/Paroles aux Bêtes

4 novembre – 18 décembre 2021

Vernissage : afin de respecter les mesures sanitaires actuellement en vigueur, les vernissages sont malheureusement annulés pour l’instant.

FR

Dans le conte Le Petit Poucet, un enfant (comme le garçon dans Hansel et Gretel) entend par hasard ses parents égoïstes en train de planifier son abandon et celui de ses frères dans la forêt. Des oiseaux mangent les miettes qu’il avait semées pour se retrouver et il s’ensuit une série de mésaventures avant que les enfants ne rentrent à la maison.

Malgré les peurs, les désirs et les transformations incroyables des animaux et leur capacité de parler dans les anciennes fables, les changements climatiques anthropogènes étaient inimaginables pour Ésope, Charles Perrault ou Jean de la Fontaine. Mais la Terre des animaux anthropomorphisés de ces fables a changé avec l’Anthropocène. Leurs voix ont maintenant des échos étranges et plaintifs. Alors qu’autrefois les fabulistes leur donnaient une voix, aujourd’hui c’est la nature elle-même qui nous parle : en déluges et en températures de plus en plus élevées. Et le récit inconscient et fondamental des saisons qui se répètent avec certitude n’offre plus un cadre rassurant pour les histoires d’enfants ou pour notre expérience et notre futur en commun.

La parole et les illustrations toutes simples des premières fables (dont l’aspect prévisible a fasciné Walter Benjamin) portent sur des actes et leurs conséquences sans la rhétorique diabolisante et polarisante de nos jours. Comparées à l’actuel discours « folklorique » et populiste, surtout dans cet étrange pays au sud de notre frontière, elles semblent sobres, réalistes et adultes. Mettre un enseignement moral dans les gueules d’animaux capables de raison semble offrir un discours tout en retenue qui s’appuie sur l’argument démontré par l’exemple, ce qui requiert un raffinement de l’esprit et une capacité d’abstraction. Maintenant, aux prises avec une incertitude réelle (et probablement une réelle calamité) et de folles théories de conspiration dignes des plus grands fabulistes, on se surprend à désirer la raison sobre des représentations d’antan.

J’ai toujours été attirée par les relations entre figure et fond de manière générale, aux traces marginales et vernaculaires de la culture visuelle-matérielle, au récit et à l’histoire ainsi qu’à leurs expressions et illustrations au fil du temps. Dans cette œuvre, des itérations passées se rencontrent et se mêlent de manière discursive dans des « champs » picturaux ou des forêts ; un chien parle de liberté avec un loup ou alors il échappe son repas dans la rivière, paralysé par la jalousie devant son propre reflet. Un loup raconte des mensonges ridicules à un agneau avant de le dévorer. Des lièvres morts sortis de tableaux de genre du 17e siècle sont renversés et renaissent pour faire une course avec une tortue à la carapace compostée issue de dessins d’enfants. Les animaux parlent à une génération humaine actuelle, abandonnée à son sort par des aîné.e.s égoïstes.

 

Biographie

Carol Wainio est née à Sarnia, Ontario, en 1955. Après des études au Nova Scotia College of Art and Design et à l’Université e Toronto, elle obtient une maîtrise en beaux-arts de l’Université Concordia en 1985. Elle a enseigné aux premier et deuxième cycles en tant que professeure adjointe à la Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia et au Département d’arts visuels de l’Université d’Ottawa. 

Elle vit et travaille à Ottawa et Montréal, et a présenté abondamment son travail au Canada, incluant au Musée des beaux-arts du Canada, au Musée des beaux-arts de l’Ontario, au Musée des beaux-arts de Montréal et au Musée d’art contemporain de Montréal, ainsi que sur la scène internationale dont la Biennale de Venise, la Galleria Comunale d’Arte Moderna à Bologne, le Stedelijk Museum, et qu’aux États-Unis et en Chine.  

Son exposition intitulée The Book, dont le commissariat était assuré par Diana Nemiroff pour la Carleton University Art Gallery, présentait des œuvres réalisées entre 2004 et 2010, et a circulé à travers le Canada. Une exposition itinérante antérieure, soit Les registres du contemporain, avait été commissariée par Michèle Thériault pour le Musée d’art de Joliette. Parmi ses autres expositions individuelles, mentionnons Old Masters sous le commissariat de Crystal Mowry pour la Kitchener-Waterloo Art Gallery en 2013. Ses œuvres ont fait partie des expositions collectives Elles d’aujourd’hui au Musée des beaux-arts de Montréal (2015), Adisòkàmagan/Nous connaître un peu nous-mêmes à la Galerie d’art d’Ottawa (2018), Tributes and Tributaries au Musée des beaux-arts de l’Ontario (2017) et Peindre la nature avec un miroir au Musée d’art contemporain de Montréal (2020).  

Ses tableaux font partie d’importantes collections particulières, publiques et d’entreprises, dont celles du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée des beaux-arts de l’Ontario, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Glenbow Museum et de l’Art Gallery of Nova Scotia. Wainio est lauréate de plusieurs bourses et récompenses, entre autres, en 2014, du Prix du Gouverneur général en arts visuels et médiatiques. Ses œuvres puisent dans plusieurs sources pour nourrir une pratique discursive à la fois viscérale et picturale qui donne lieu à des structures permettant de penser l’histoire, la représentation, l’environnement et la nature changeante de l’expérience humaine.  

Print épisode 02 — Carol Wainio – Fabulisme/Paroles aux Bêtes

Dans ce deuxième épisode, j’ai l’occasion de m’entretenir avec la peintre et professeure Carol Wainio. Née en 1955 à Sarnia en Ontario, Carol Wainio vit et travaille entre Ottawa et Montréal. Dès ses premières expositions, son travail voyage un peu partout au Canada et à l’internationale, dont à la Biennale de Venise dans les années 90. L’exposition Fabulisme/Parole aux bêtes, présentée du 4 novembre au 18 décembre 2021, regroupe des éléments installatifs et huit toiles, dont six grandes et deux plus petites. À la manière de collages, ses compositions de grands formats intègrent différentes sources visuelles, illustrations historiques, tableaux de genre, dessins d’enfants, explorant les qualités narratives des images et des fables. Ainsi, l’artiste constate un changement de paradigme, où les récits des bêtes ne se manifestent plus par les fables de quelques écrivains, mais plutôt par la nature elle-même. http://www.carolwainio.com/

EN

In the fairy tale Le Petit Poucet, a child (like the boy in Hansel and Gretel) overhears his selfish parents planning to abandon he and his siblings in the wood. After a trail of breadcrumbs is eaten by birds, there follow impossible feats before the children return safely home.

Despite fairy tale’s fears, desires, and wild transformations and the fantastic talking animals of earlier fable, anthropogenic climate change was unimaginable for Aesop, Charles Perrault or Jean de la Fontaine. But the ground of fable’s anthropomorphized animals has shifted in the Anthropocene. Their voices now echo strangely and plaintively.  While story-tellers once gave them speech, now nature itself is talking back – in floods and rising temperatures.  And the unconscious, fundamental narrative of reliably recurring seasons no longer provides reassuring settings for children’s stories or for our shared experience and future.

Fable’s unadorned early speech and illustrations (the boringness of which fascinated Walter Benjamin) focus on acts and their consequences without the demonizing, polarizing rhetoric of today.  Compared to current ‘folk’/populist discourse – especially in the strange land south of our border – it appears sober, realistic, and adult. Placing moral instruction in the mouths of reasoning animals seems to offer a restrained discourse based on argument by example – requiring sophistication and abstract thinking. Now, awash in real uncertainty (and likely real calamity), and amid wild conspiracy theories worthy of the greatest fabulists, one might yearn for the restrained sanity of earlier representations.

I’ve always been drawn to figure/ground relationships in the broad sense, to marginal or vernacular traces of visual/material culture, narrative and history and their expressions and reproductions over time. In this work, past iterations meet and mingle in a discursive way in paint “fields’’ or forests; a dog discusses freedom with a wolf or drops his meal in the river, transfixed in jealousy by his own reflection. A wolf tells ridiculous lies to a lamb before devouring it. Dead hares from 17th century genre paintings are rotated and reborn to race with children’s drawings of a tortoise or composting carapace.  Animals speak to a current human generation, abandoned to their fate by selfish elders.

 

Biography

Carol Wainio was born in Sarnia, Ontario in 1955. After studies at the Nova Scotia College of Art and Design and University of Toronto she received an MFA from Concordia University in 1985.  She has taught at the graduate and undergraduate levels as Assistant Professor in the Faculty of Fine Arts at Concordia University and in the Département d’arts visuels de l’Université d’Ottawa.

She lives and works in Ottawa and Montréal and has exhibited widely in Canada, including at the National Gallery of Canada, Art Gallery of Ontario, Musée des beaux arts de Montréal, Musée d’art contemporain de Montréal, and internationally at the Venice Biennale, Galleria Comunale d’Arte Moderna in Bologna, Stedelijk Museum and in the U.S. and China.

Her exhibition, The Book, curated by Diana Nemiroff for Carleton University Art Gallery featured work from 2004 to 2010 and toured widely in Canada. An earlier touring exhibition, Les Registres de Contemporain, was curated by Michele Theriault for the Musée d’art de Joliette.  Other solo exhibitions include Old Masters curated by Crystal Mowry for the Kitchener-Waterloo Art Gallery in 2013.  Her work was included in the group exhibition Elles Aujourd’hui at the Musée des beaux arts de Montréal (2015), Adisòkàmagan/We all Become Stories, at the Ottawa Art Gallery (2018), Tributes and Tributaries at the Art Gallery of Ontario (2017) and Peindre la Nature avec un miroir at the Musée d’art contemporain de Montréal (2020).

Her paintings are represented in major corporate, private, and public collections, including the National Gallery of Canada, Musée des beaux arts de Montréal, Art Gallery of Ontario, Musée d’art contemporain de Montréal, Glenbow Museum and Art Gallery of Nova Scotia. She is the recipient of numerous grants and awards, including the 2014 Governor General’s Award in Visual and Media Arts. Her paintings draw together diverse references in a discursive approach that is simultaneously visceral and painterly, creating structures for wondering about history, representation, the environment, and the changing nature of human experience.

 

épisode 02 — Carol Wainio – Fabulisme/Paroles aux Bêtes

Dans ce deuxième épisode, j’ai l’occasion de m’entretenir avec la peintre et professeure Carol Wainio. Née en 1955 à Sarnia en Ontario, Carol Wainio vit et travaille entre Ottawa et Montréal. Dès ses premières expositions, son travail voyage un peu partout au Canada et à l’internationale, dont à la Biennale de Venise dans les années 90. L’exposition Fabulisme/Parole aux bêtes, présentée du 4 novembre au 18 décembre 2021, regroupe des éléments installatifs et huit toiles, dont six grandes et deux plus petites. À la manière de collages, ses compositions de grands formats intègrent différentes sources visuelles, illustrations historiques, tableaux de genre, dessins d’enfants, explorant les qualités narratives des images et des fables. Ainsi, l’artiste constate un changement de paradigme, où les récits des bêtes ne se manifestent plus par les fables de quelques écrivains, mais plutôt par la nature elle-même.

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