DSC09079

Dans le cadre du projet Les inéluctables, venez découvrir Prononce mon nom, une exposition de l’artiste Judith Bellavance dans l’espace des bureaux !

Présentée du 12 septembre au 7 novembre 2015

Prononce mon nom

Ces humains-fleurs, ces êtres hybrides sont nés de la combinaison de portraits de personnes décédées, que l’on trouve sur certaines pierres tombales, et de fleurs entières, leurs pétales et leur pistil prélevés aux bouquets qui les ornent. La fonction commémorative du bouquet de fleurs déposé au cimetière est ici détournée par l’artiste qui s’en approprie les pétales pour les placer sur des portraits afin certes, d’en préserver l’anonymat mais également, d’opérer leur métamorphose. Masque, voile, coloration, le pétale ajoute à l’image existante et la modifie, l’entraîne dans l’exubérance, la beauté, la joie. Elle est négation du fait de la mortalité, célébration iconoclaste, pied de nez à la mort, jubilation insolente.

L’ensemble se présente comme un herbier où sont collectionné et amalgamé fleurs, hommes et femmes, tous aplatis par le rendu en deux dimensions de la photographie. Les images d’hommes et de femmes sont ténues, minces, flottant sous la surface d’un support où on a souhaité les maintenir immortelles, les rappeler à la mémoire, mais où elles tendent vers l’effacement et la disparition. Elles portent les traces de retouches apparentes, les traits redessinés, la coloration ajoutée, comme on maquille les corps embaumés. Mais qui se souviendra réellement de ces visages et pour combien de temps ? Le temps est le premier sacrilège avant même le geste de l’artiste; craquelures, altérations, poussières, décoloration, saletés en surface, figurent l’oubli inévitable. Elles en sont les traces matérielles auxquelles s’ajoutent les interventions de l’artiste.

De ces visages ne subsistent que des fragments; une chevelure, un menton, une joue, qui se présentent comme autant d’invitations à deviner ce qui a été oblitéré. Le masque des pétales est par endroits opaque, à d’autres, transparent. Les pétales laissant percevoir leur propre minceur et fragilité, leurs formes se marient à celles des visages, ici, épousant une coiffure, là, recréant un nez ou encore, dessinant sur les yeux, un loup.

Le pétale de fleur posé en surface se tend vers l’avant, vers l’actualité du présent. Le portrait photographique du décédé, lui, apparaît lointain, granuleux, provenant d’une temporalité passée, il tend vers l’arrière. Le pétale de fleur est actuel, vibrant, vivant — quoique son existence soit éphémère et sa fanaison éminente — il se situe dans notre temps, celui du regardeur. Il est témoignage du passage de l’artiste et de ses gestes qu’elle a voulu enregistrer. Il est force qui tire le passé vers l’avant, le surpasse et le transforme.

 

Née à Rimouski, Judith Bellavance vit et travaille à Montréal depuis 1989. Elle a complété un baccalauréat en arts visuels à l’Université Laval à Québec et poursuivi ses études à l’Université du Québec à Montréal. Son travail a été reconnu par le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada. Ses œuvres ont été présentées au Québec, au Portugal, en Espagne et au Japon et se retrouvent dans plusieurs collections publiques et privées.

judithbellavance.com