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Dans le cadre du projet Les inéluctables, venez découvrir Dessins et autres objets, un projet inédit de Pierre Fournier dans l’espace des bureaux !

***À l’occasion de la Foire Papier 15, la galerie sera ouverte vendredi 24 avril jusqu’à 21 h ainsi que samedi 25 et dimanche 26 avril de midi à 17 h.

Au début, à la suite de la découverte d’un logiciel graphique disponible sur mon iPad, j’ai commencé à dessiner d’une façon compulsive, renouant ainsi avec une vieille habitude de griffonner à tout moment. Bien que mon métier de sculpteur m’orientait vers une pratique plutôt spatiale, le dessin demeurait tout de même le point de départ de la majorité de mes projets.

Revenu à ce geste initial, je développe aujourd’hui des barbos griffonnés à temps perdu en reliefs et en sculptures. Après en avoir accumulé des milliers, j’ai développé un protocole de travail visant à les magnifier. Les petits dessins d’origine sont transférés dans un logiciel de dessin assisté par ordinateur (CAD) qui me permet de les vectoriser. Ce procédé consiste à en redessiner le tracé en fonction de données numériques, afin d’en faire un dessin paramétrique reproductible. J’utilise une technique de reproduction par symétrie parfaitement adaptée à un travail de conception assistée par l’ordinateur. En fait, à la manière d’un photographe, je reproduis mes dessins à des échelles variées, en une multitude de positions spatiales, et en découpe les contours au laser, dans l’acier, le papier plastique et tout autre matériau. J’obtiens alors un dessin sculpture d’une épaisseur si mince, qu’elle le situe aux limites de l’objet.

Ces objets ambigus renvoient toujours au dessin ludique à l’origine leur composition. La souplesse et la fluidité de la forme témoignent d’ailleurs de leur caractère fait à la main. Leur présentation sous forme de découpes de carton de petites dimensions évoque même un travail de dentelle, où le savoir faire artisanal serait remplacé par une technologie de précision. Au mur, les découpes d’acier monumentales forcent une attention soutenue du spectateur par leur caractère énigmatique. Leur matérialité présuppose un usinage et souligne les procédés de conception et de production qui les ont rendues possibles. Par leurs dimensions imposantes, ces murales d’acier interpellent le corps du spectateur plutôt que sa main. Elles répondent en écho aux sculptures réalisées par assemblage, rappelant la modélisation scientifique de la matière en fonction d’agencements réguliers répétés.

Les principes de composition de mes œuvres évoquent aussi le fonctionnement du cerveau, notamment son appréhension particulière de la forme. En effet, le cerveau structure son environnement en permanence et transforme les informations perceptuelles de la rétine en formes connues, une appropriation du visible nommée paréidolie. Il ne s’agit pas ici d’un phénomène d’illusions découlant de lois universelles de l’optique, mais d’une perception cognitive où chacun se projette dans ce qui est placé sous ses yeux plutôt qu’il ne le voit, laissant une large part aux attentes et aux prédispositions de chacun. Ce corpus théâtralise ce processus en mettant en avant autant la démarche artistique, évoluant de ce qui m’est familier vers l’inconnu, qu’à l’inverse de l’obscur vers l’usuel, lors de son interprétation par le spectateur.

Mes dessins, mes reliefs et mes sculptures décrivent aussi la part cognitive de ce territoire qui lie l’artiste à celui ou celle qui regarde ses œuvres.

-Pierre Fournier